Pour continuer sur ma lancée, je me propose d'analyser les termes et les propositions avancés par l'un et l'autre des débateurs de la semaine dernière, à savoir Jacques Généreux et Dominique Strauss-Kahn. Deux hommes de gauche.
J. Généreux L'esprit de Munich a envahi les têtes qui ...
envoyé par FranceInfo. - L'info internationale vidéo.
D. Strauss-Kahn, futur grand candidat, et en tous cas grand désiré de la presse et des médias français, se dit heureux que les institutions européennes aient pris peur :-"La peur c'est pas mal, ça permet de faire avancer tout le monde dans le même sens". L'effroi me saisit mais trève de sensiblerie.
Jacques Généreux, économiste du Parti Socialiste ayant rompu avec lui pour s'engager derrière Jean-Luc Mélenchon au Parti de Gauche, préconise au contraire que la peur change de camp. Que les banques privées preneuses de risque soient laissées en faillite et que nos Etats mettent en place des banques publiques (16' sur la vidéo stupéfaction au micro, journalistes hagards...).
Selon lui, le principe est simple et respecte l'économie de marché : la responsabilité, l'éthique. Le rôle de l'Etat n'est-il pas de défendre les intérêts publics, et non les richesses privées ?
Nous aurions donc pu prendre les agences de notation à leur propre règles, en leur disant que les titres devenus nuls, dégradés par une note "grecque" (BB+), ne vaudraient d'être rachetés qu'à leur niveau. "Vous avez joué , vous avez perdu, vous n'aurez rien. C'est vous qui dégradez les titres..." Que la peur change de camp.
Plus loin, il précise justement qu'une partie du niveau de la dette étant due à la sur-spéculation financière, "elle n'a pas à faire pression" sur les comptes sociaux.
Voilà qui remettrait la responsabilité économique et politique au goût du jour.
On est loin du discours du Dr Strauss-Kahn.
Résumons-nous donc : nos pays ont donc été rendus accros à la dette, nos maladies contagieuses de déficits des comptes publics appellent à nos chevets des médecins qui nous font payer cher les consultations et les remèdes. Le projet européen imposé par Helmut Kohl dès 1986 est bien arrivé à ses fins, puisque les conditions de financement des pays sont soumises aux conditions du marché mondial et non aux conditions d'un marché interne Européen. Portes et fenêtres grandes ouvertes, risque de tempête prévisible.
Philippe Delmas, lui,* craint une chose en particulier : la Chine achètent encore des bons du Trésor mais peut-être vont-ils cesser de le faire : "S’ils se tournent vers un modèle de société plus proche du nôtre, plus orienté vers la consommation, ces pays vont par là même réduire le financement de notre mode de vie à crédit qu’ils fournissaient jusqu’à présent". Voilà qui nous rassure peu. Voilà même qui nous fait peur !
Comme s'il fallait absolument que nous continuions à vivre selon le même modèle de profit sur le dos de l'Afrique et de la dette. Comme s'il n'y avait pas d'autre solution possible. On commence à connaître la chanson.
Ces toujours pareil et c'est là où l'entretien de Généreux est rafraichissant : lorsqu'on nous parle d'économie, on emploie à notre égard pour nos oreilles effarouchées des termes simples destinés à nous embrouiller.
Or, ce sont toujours les dealers qui parlent. Mais le dealer a quelque chose à voir dans l'addiction de son client, et pendant que l'un "dope la croissance", l'autre s'enrichit. Pendant que l'Europe essaie d'organiser ou de maintenir une protection sociale, l'Asie, qui n'a pas tous ses services, épargne, épargne, et même nous prête. L'Europe est donc vue par les "mains invisibles du marché" comme un enfant en qui on ne peut pas avoir confiance, un garnement qui a des problèmes de croissance, qui a sûrement été empêché de grandir à son rythme...
L'Allemagne, elle, est une sportive qui court sous hormone de croissance, c'est-à-dire qui dope sa balance commerciale (+30 Mds d'Euros) grâce à une rigueur salariale -sur le dos de ses employés- qui la rend "compétitive" depuis dix ans au détriment de ses voisins, dont la France, avec laquelle elle s'entend si bien, c'est donc la paix, l'Europe, nous dit M. Strauss-Kahn...
Ceux qui courent moins vite comme l'Espagne, le Portugal, L'Italie et la Grèce par exemple, sont montrés du doigt par les médecins du F.M.I qui nous disent à la télévision qu' "ils font n'importe quoi, ils augmentent les salaires des fonctionnaires et les retraites" (cit. D. Strauss-Kahn, jeudi 20 mai 2010)
En effet, on voit des pays faire vraiment n'importe quoi... Rendons-nous compte, augmenter les salaires et les pensions des gens qui vivent avec 750 € /mois !
Or, les bonnes gens ont compris que la richesse est, jour après jour, détournée, déplacée, transférée, un peu tous les jours, vers l'Action et l'Epargne. Si les revenus d'un pays productif comme la France n'augmentent pas c'est que certains intérêts n'y tiennent pas. Ce vol est devenu la règle.
D. Strauss-Kahn se félicite plutôt que l'Euro, qu'il a contribué à mettre en place, ait protégé "l'économie européenne" (les rentiers, les épargnants) pendant la crise des sub-primes (cit. même bonhomme, même jour)
Qui s'étonnera après ça que les biens portants, les cerveaux, les innovateurs fuient l'Europe ? Nos états sont condamnés à gérer le social, le chômage de masse, les déficits, en un mot les ennuis, et à se laisser dicter leurs politiques par les intérêts financiers devenus essentiellement privés.
Nous citoyens, sommes condamnés à nous laisser enchanter par DSK-Sarko- et réélire les mêmes.
Voilà l'état du monde en Europe aujourd'hui, cher habitant de la lune.
Dans ce concert européen, notre économiste du Front de gauche établit que si nous avions des hommes d'Etat à la tête de nos pays aujourd'hui -et pas des lavettes- nous pourrions faire changer la peur de camp.
En ce début de mai 2010, les Etats européens tous d'accord (pour une fois !) pour mener de concert une politique d'austérité budgétaire et donc sociale. Ils ont peur. "Ils ont perdu leur honneur et ils auront la guerre", dit Généreux dès le début de l'entretien.
Mais peut-être la peur est-elle déjà en train de changer de camp, puisque des personnes qui n'ont jamais rien entendu à l'économie commencent à y voir clair dans le manège et les formules enchanteresses. Dominique de Villepin avait bien raison de dire qu'il y a dans le pays aujourd'hui un sentiment révolutionnaire. C'est bien que la peur change de camp.
Ce constat est posé de façon sérieuse et brillante par l'économiste Jacques Généreux dans son ouvrage "La Dissociété" qui analyse ces mécanismes qui conduisent une démocratie présumée saine à choisir ce qui est le plus mauvais pour elle.
Une croissance inégalitaire qui repose sur la dette des Etats et des ménages et dont on ne trouve pas l'issue, sans être grand clerc, est sûrement le signe d'une société malade, déséquilibrée, schizophrène, osons le mot, qui aurait peut-être besoin d'une cure de socialisme appliqué, à commencer par une reprise en main du politique sur les lobbys financiers, et que les élus s'exprime et agissent au nom du peuple qu'ils représentent.
Philippe Delmas : Lewis Carroll au pays de la mondialisation, in le Nouvel économiste.fr
La dissociété J. Généreux, livre de poche Points