jeudi 17 mars 2011

De Fukushima à Flamanville


On est toujours plus intelligents que les autres.

Quelquefois, et même à grands renforts de moyens, que ce soit en matière de grandes orientations, de politique économique, voire de justice, de choix technologiques, y compris d'énergie, à l'heure de la remise en question de la pérennité de la production d'électricité à partir de matières premières radio-actives, on recourt à des experts, qui sont certes indispensables à rendre des travaux précis, mais qui n'en restent pas moins des hommes. Et des hommes, ça se trompe. Surtout nous, qui n'y connaissons rien. Mais nous, on nous a toujours dit que le nucléaire, en France c'était sûr. Tchernobyl, c'était des communistes, des incompétents...

Les dirigeants de tous les pays qui tiennent à leur "indépendance énergétique" -comme ils disent- vont voir le fossé va se creuser immanquablement entre eux et le reste de l'opinion. Nous sommes bien sûr épouvantés par la catastrophe nucléaire de Fukushima, dont on ne voit pas bien aujourd'hui l'évolution, et dont on imagine encore mal les conséquences économiques et sanitaires. Eux tiendront bon, et soutiendront qu'on ne peut faire autrement. On se demande alors pourquoi ceux qui répètent ça font de la politique...

Nous les Français avons placés tous nos efforts dans une politique nucléaire "civile" qui a offert un bon visage au nucléaire. Elle sous-tendait le nucléaire militaire en le masquant par sa superbe. Nous avions ainsi une puissance de production électrique telle que nous vendions aux pays voisins. Las ! La Commission européenne n'a pas apprécié, et nous sommes maintenant obligés d'acheter un surplus d'énergie élolienne que nous pourrions produire avec notre puissance, et perdons peu à peu le retour sur investissement que nous commencions à réaliser. Libéralisation du marché oblige. Là encore soi-disant on ne peut pas faire autrement....

Pas cher le Nucléaire, nous disait-on. On en jugera désormais autrement.
Même si nous n'y comprenons rien.

Mais nous les Français avons mis le nucléaire au centre de la stratégie d'indépendance de la France et de sa diplomatie. Toutes choses qui ne servent plus de rien, à l'heure où nous avons rejoint le commandement intégré à l'OTAN. Nous entretenons un arsenal dont le but est le non-emploi. Pas cher, nous dit-on. Secret-Défense.

Et lorsque le citoyen se mêle de ce qui le regarde, en attirant l'attention de l'un de ses Députés sur le danger social qui peut régner quelquefois sur le site de construction d'une Centrale, que nous sommes en train de construire, il a bien du nez le 13 janvier 2011, deux mois tout juste avant la catastrophe que nous connaissons. On lui répondra alors comme suit, puisqu'il n'est pas un "expert". L'ignorant citoyen se fait ici une opinion de "l'élégance" avec laquelle on lui répond sur des sujets aussi sérieux et graves que le Droit du Travail, sur des choix technologiques coûteux, et sur l'Intérêt Général : la Sûreté sanitaire. Pour notre Député de la Manche, tout est parfait. Si j'avais été Japonais, on m'aurait répondu de la même façon. Le Japon, quel niveau de sûreté !

Je mets donc en ligne l'échange entier de courriers que j'ai eu avec le député M. Claude Gatignol dont le lyrisme final fait sourire s'il ne fallait pas en pleurer.
La première lettre avait été mise en ligne ici même il y a quelques mois, voici la réponse :











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samedi 5 mars 2011

Le mythe du Départ


Il faut de temps en temps savoir écouter les Français qui souffrent ; et visiblement la souffrance sociale est bien partagée en France. Deux micros-trottoirs réalisés à Neuilly-sur-Seine (commune la plus riche de France par habitant, située à la frontière ouest de Paris) ont recueilli mon étonnement.
Donc, il y en vraiment qui ont des problèmes de riches. Installons-nous et rions un peu, à défaut d'en pleurer, écoutons les ravages que provoque la propagande ultra-libérale qui est à l'oeuvre en occident depuis plus de trente ans  sur le cerveau humain :
Exemple 1:


La classe opulente jalouse les placements et les profits réalisés par la caste des hyper-riches qui eux, ont accès à l'information nécessaire, et tout cela est regardé par la classe aisée, moyenne sup-sup, qui fait son marché à Neuilly et interrogée sur cette vidéo, se fait un plaisir de répondre à la quetion de l'ISF, se donnant des airs d'en être !


Dans ce parc étrange où ces exemplaires d'extra-terrestres bien nourris, où l'égoïsme anté-primal le plus parfait se manifeste de la façon la plus simpliste qui soit, on répète en chœur et en rimes que Si le fisc prend trop de sous, les gens riches vont partir et l'emploi va en pâtir. Il faut dire à la décharge de ces pauvres gens qu'on entend ça une dizaine de fois par jour, de la bouche des Mme Parisot aux Jean-Michel apathiques de toutes les radios. Eh bien, c'est faux... 
Il faut le dire en Anglais pour être compris ? It's fucking wrong.
D'abord, les riches partent déjà, sous forme liquide si je puis dire, puisqu'une part considérable de leur épargne (98%) ne va pas à la production réelle*. Et puis, pour ceux qui s'expatrient, un jour ils reviennent en France dès qu'il faut se faire soigner parceque la sécu, c'est quand même bien !

Et c'est aux USA justement que les plus riches étaient taxés à quelque 85% avant Reagan, et l'Amérique n'était pas un désert.

Si les plus fortunés partent l'emploi va en pâtir. Cette idée -si c'en est une- disons cette obsession... ce mythe a la peau dure. Il court les rues de Neuilly comme celles de Nice, Monte-Carlo ou encore Andorre (qui sont bien en France, oui, oui, il faudra même commencer à s'attaquer à ces principautés-villes là, selon moi anti-constitutionnelles, art. 1).

Jetons un œil plein de compassion sur cette réserve animalière située si près de nous, où le sport local consiste soit à frauder le fisc, soit utiliser les niches fiscales sous forme d'investissement dans les Dom-Tom et autres, tout en utilisant des comptes bancaires invisibles en paradis off-shore. Et pour les moins sportifs, le jeu consiste à racheter un bel appartement parisien Hausmannien et le découper en trois pour les louer super-cher à trois familles dans chacune 27 m2, ça rapporte infiniment plus que d'ouvrir un Livret A, n'est-ce pas ?

Alors, sont-ce les riches qui produisent de l'activité ? Le problème c'est que ce sont surtout ceux qui en tire les fruits.

Ceux qui produisent sont ceux qui vivent de leur travail. Or, on sait bien que les gens qui touchent + de 10 000 euros/mois (mis à part quelques chirurgiens et autres perles précieuses d'ingénieurs) ne gagnent pas ce qu'ils gagnent selon leur mérite, leur compétence, leur qualité ou leur travail. On les leur octroie
.Quelquefois, dans les très hautes sphères économico-industrielles, des conseils d'administration fantaisistes accordent des rémunérations fantaisistes (M. Carlos Goshn président de Renault touche 700 000 euros/mois). Quelquefois, c'est selon leur provenance socio-économique, selon leur entregent, selon leur naissance, leur origine géographique, le cercle où ils ont évolué, entre Neuilly et Puteaux par exemple, il suffit de vivre dans quelques kilomètres carrés, et enfin quelquefois, ils s'enrichissent selon leur façon de placer leur capital et de manœuvrer au milieu de cet aquarium de requins fous qu'est la finance. 

Sont-ce les riches qui apportent de l'argent frais en investissement ? Oui, mais pas aujourd'hui des individus, mais des groupes d'investissement comme Colony Capital par exemple ; et quand ils le font c'est pour exercer un pouvoir démesuré sur tous les acteurs sociaux de l'entreprise, dont les réductions d'impôts ne sont qu'une facette.
Le problème est que ce Groupe là, constitué d'actionnaires et par définition international, ne répond à aucun droit qui l'encadre.
Il n'obéit qu'aux lois du marché ! (chantier à ouvrir, merci à Jacques Généreux de m'avoir soufflé cette notion dont personne ne parle)

Et apportent-ils de l'argent frais, non, car leurs actifs, leur patrimoine, leur épargne sont investis ou ré-investis où ?... dans la finance ! Même pas sous la responsabilité de chacun, puisque le banquier les placera bien où il voudra. 

Tiens, en ce moment le grand terrain-de-jeu des investisseurs de cet argent-là, ce sont les Matières Premières et les Denrées Alimentaires, qui atteignent de tels sommets que 44 millions de personnes en plus cette année encore n'ont plus à manger ; ce qui porte leur nombre à 963 millions (source FAO).







C'est grâce à cette mentalité-là. C'est  M. Robert B. Zoellick, qui est Président de la Banque mondiale qui le dit : « Pour la première fois de l’histoire, plus d’un milliard de personnes se coucheront tous les soirs le ventre vide. » Pendant qu'à Neuilly on voudrait payer moins d'impôt sur le revenu, à Bamako, on crève de faim. Et ces braves gens de Neuilly-en-France voudraient en plus que la collectivité les épargne pour que leur Epargne serve à alimenter la spéculation meurtrière pour ces pays là et le nôtre ?
Est-il possible d'être à ce point prisonnier de ses représentations familiales, culturelles, voire paranoïaques parce qu'on vient d'un milieu aisé ? Ou serait-ce que le Figaro a soigneusement monté son sujet ?
Dans cette cour supérieure où la science est infuse, on va de mythe en syllogismes : "Jean Réno s'installe en suisse, c'est l'appauvrissement de la France". Mais qu'il s'installe où il veut ! Faudrait-il fermer les frontières ? Etonnant ces libéraux ... mais en sont-ils seulement ?
Exemple 2 :
En faut-il encore à tous ceux qui, comme sur cette vidéo -risible à tous points de vue- "comptent bien" devenir riches demain ? Auraient-ils besoin d'un camp de rééducation intellectuelle ? On siphonne de l'intelligence à l'ouest de Paris ? La leur a-t-on pompée ?






Sérieusement : dans ma grande naïveté je me demande encore comment ceux qui ont tant de facilité à gagner leur vie sont-ils aussi ceux qui ont autant de mal à en redonner une partie ? Admettez avec moi que s'ils se plaignent, eux, que devrions-nous dire, nous, qui gagnons notre vie si chichement, soit en s'usant la santé, soit en gagnant si peu, comme moi, qui ait touché 435 Euros le mois dernier, qui ne nous sentons ni valorisés, ni en capacité de transmettre un jour quoique ce soit à nos enfants ? 


Que devrions-nous dire ? Nos 4 % d'imposition à nous devraient nous sembler plus difficiles à consentir que leur 48% à eux. Et pourtant nous, on ne se plaint pas, car on a bien conscience que l'argent quand on en a, on peut aussi en faire mauvais usage et que tout le monde dans une société évoluée et développée doit contribuer au bien public à proportion de ses capacités. Même les riches et leurs gosses portent leur croix dans cette vie, l'épaisseur de leur compte en banque ne les empêche pas d'avoir de problèmes de coke et de se suicider, ni d'avoir les mêmes maladies que les autres humains. 
S'ils veulent vivre dans un enfer individualiste, ils en reviendront vite. Car en effet, pour finir, je rappelerai cette belle maxime de M. Albert Cohen : "L'or recouvre le cœur d'une couche métallique".


*Pour ceux qui en douteraient, se reporter à un tableau synthétique des statistiques sur les transactions financières dans le monde, par l'un des meilleurs experts français sur les structures financières, Francois Morin, Professeur émérite de l'Université de Toulouse, dans son livre à paraître : 
Un Monde sans Wall Street, Seuil, 2011.