vendredi 15 janvier 2010

Faire front à gauche

Voici venu le temps des Elections Régionales et la gauche n'est pas décidée à se laisser mener par le bout du nez.


Depuis 2002, la droite française essaie de s'approprier les valeurs républicaines que la gauche a quelque peu délaissées depuis des années : Valeur du travail, patriotisme économique, autorité de l'Etat, émancipation par l’Education (nous dirions remettre le savoir au centre de l'école).

Voilà ainsi ré-appropriées les valeurs en lesquelles croyaient celles et ceux qui, au XIX° siècle, ont fait la Commune et inventé la Nation Républicaine. L’Appel des citoyens de Paris proclamait ceci le 11 avril 1871 :  
  • «Pas de devoirs sans efforts, pas de droits sans devoir. Nous voulons le travail mais pour en garder le produit. Plus d’exploiteurs, plus de maître. Le travail et le bien-être pour tous, le gouvernement du peuple par lui-même»


Voilà les valeurs de la République et de la gauche.


Et si la gauche a lentement perdu la confiance d’une partie des couches populaires, celles qui se lèvent tôt, c’est d’abord parce que, du PCF au Parti Radical en passant par le P.S, elle a abandonné la nation à Le Pen, les ouvriers à leur pouvoir d'achat, les valeurs de fraternité aux démagogues.

Au terme d’une campagne maladroite et difficile, Ségolène Royal, deux fois vaincue aujourd’hui, a reçu le soutien de 17 millions de Français. Elle a depuis raté le coche sur de nombreuses occasions, et a démontré son incapacité à endosser le rôle qu'elle se destinait.


On le sait, les professions libérales et intermédiaires, les commerçants et artisans, les plus de 65 ans en majorité, ont voté pour Nicolas Sarkozy. Mais il est constant que les citoyens les plus jeunes et les actifs de moins de 45 ans ont voté pour la gauche au premier tour. Cela offre-t-il un espoir ? Que sera le visage politique de la nouvelle génération qui s'apprête à voter ?

Il n’empêche que l'entreprise de réaffirmation de ses propres valeurs par la gauche a commencé Jean-Luc Mélenchon a ouvert les instances de son Parti de Gauche avec ces trois mots : Ecologie Socialisme République.


Je m'en félicite.
Cela participe d'une prise de conscience renforcée en cette période à partir de l'effondrement de Lehman Brothers, acte annonciateur du déclin du capitalisme néo-libéral. 


Et pas seulement en Europe :  en Amérique du sud aussi, il y a une  critique forte de ce projet  de société dramatique qui, sous couvert d’Europe, nous condamne au chômage de masse par l’euro fort et façonne l’apologie du marché dit “libre”, où seule la concurrence est le dogme, où se prépare minutieusement la mise-à-mort des services publics. Il y a pour le coup une mondialisation de cette prise de conscience.

Faut-il alors succomber à certains barrissements, et ne voir l’avenir qu'à travers une “social-démocratie” à l'anglaise ou à l’allemande ? Bonne idée, mais en fait non. Car ces pays ont des traditions, des pratiques syndicales que nous n'avons pas. Les pays qui vont bien en Europe du Nord et l’Allemagne pratiquent le consensus et la grève travaillée, car ils sont moins touchés par la crise économique et commerciale que connaît la France.

La France est républicaine. N'en déplaise à certains groupuscules "Alternatifs". La gauche a pour raison d’être l’accomplissement de la République. Si elle ne devenait qu’une “aile consolatrice” du néolibéralisme, elle ne répondrait plus à sa mission, et laisserait à découvert un immense espace, livrant les couches populaires à l’abandon, à l’abdication, à la révolte ou aux démagogues de tous poils.

Nicolas Sarkozy s’affiche avec George Bush au moment même où les experts du Pentagone et le peuple américain lui donnent tort sur son action internationale. Et des socialistes français exaltent Tony Blair quand les Britanniques le chassent, ou la SPD allemande quand elle gouverne sous les ordres de la droite. Une gauche libérale pourrait retrouver bien vite les palais ministériels si le but de l’action politique était d’arriver à tout prix au gouvernement.

Mais pourquoi faire ? La politique de Tony Blair ? Croissance inouïe des inégalités, 12 700 000 travailleurs pauvres (7 millions en France vivent avec moins de 700 Euros /mois), privatisations, suivisme américain en Irak, en Afghanistan ? Pour faire comme la politique du SPD allemand qui a fait alliance avec la droite, et après le programme Agenda 2000, foule au pied les acquis sociaux et laisse exploser la pauvreté ? Non, la France n’est ni la Grande-Bretagne, ni l’Allemagne. Nos histoires sont différentes.

Des voix de gauche, d’anciens députés et ministres, représentants parlementaires, parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon avec son Parti de Gauche aidé en cela par République et Socialisme, proposent une refondation républicaine de toute la gauche. Car enfin, même le Parti Communiste Français qui relevait le drapeau au lendemain de la guerre a laissé Le Pen s'en emparer, et par une méprise historique, abandonné le concept de nation trop longtemps, pour se réfugier dans un discours méisérabiliste, ayant remplacé ses ouvriers par ses "sans-pap'".

Loin d’être un slogan ou un vain mot, La Refondation de la gauche recouvre une volonté politique radicale d'une entière réorientation des conditions de notre participation au fait européen et à la mondialisation néo-libérale.


Alors pourquoi "républicaine" ? Parce qu’appuyée sur les principes de la pleine souveraineté des peuples.

À l’heure des “souverainetés limitées” en Europe, il serait temps de préparer la refondation des Républiques sociales qui protègent les faibles des fauves : qui protègent les salariés du dumping social, protègent la collectivité du dumping fiscal, protègent les industries des délocalisations, protègent les locataires du rentier, protègent le commerce des dérèglements monétaires qui surviennent loin de lui.

La Refondation est ouverte largement, au-delà des rangs de la gauche républicaine. Non pas à des centristes qui n’existent que par les contradictions de la droite et les insuffisances de la gauche, mais à des Républicains de gauche, qui au-delà de la couche de peinture sarkozyste, voient bien qu'il y a la politique cynique des détenteurs de la fortune, des fabricants du marketing de la peur, des jean-foutre de l’intérêt général, fascinés par l’Amérique du nord, c’est-à-dire par la loi du plus fort.

Alors le sacrifice de celles et ceux qui ont vu s’achever au pied du Mur des Fédérés le cours de leur vie sous les tirs des fusils Versaillais, toutes celles et ceux qui ont sué sang et eau pour que notre pays soit ce qu’il est devenu, une des plus belles démocraties du monde, tout cela n’aura pas été vain.

Tous au Front de Gauche !