mercredi 30 janvier 2013

Mourir debout ou vivre à genoux : le pamphlet de Galibert.

Le propre d'un ouvrage fulgurant est d'être dense, lumineux, et comme la foudre renfermer une énergie vitale que le titre ici "Suicide et Sacrifice" ne laissait pourtant pas espérer.



Le postulat de Jean-Paul Galibert est que le capitalisme d'aujourd'hui possède des propriétés qui lui sont propres. Il part du constat chiffré qu'avec 900 suicides/mois, la France de ces dernières années ressemble à une considérable boucherie (mais on pense aussitôt à la vague de milliers de suicides chez les chefs d'entreprises Italiens, serrés à la gorge ou endettés à vie par leurs banquiers) mais par un vice caché, le suicide est aussi le dernier souci de nos dirigeants (11 000 pers./an, plus que la route).

A la recherche du mobile de ce crime parfait sans coupable, Galibert se dit "Quel peut bien être l'intérêt des nos sociétés à voir ce fléau social et humain augmenter ?". Inspiré par des travaux de Foucault mais aussi des récents ouvrages de J. Généreux ou Naomi Klein, le philosophe nous emmène très, très loin, dans un style brillant, acerbe, éclairant et foutrement fort ! 

D'ordinaire flanqué de préfixes comme ultra ou néo, Galibert requalifie le mode de production. Nous sommes entrés depuis une vingtaine d'années en Hypercapitalisme

Pas le capitalisme à-la-papa de production de valeur qui réinvestissait bien dans la production réelle, non, non, un animal bien plus rampant : Celui qui n'a plus besoin des salariés-mêmes, celui inspiré des camps de travail chinois, russes ou allemands du XX°siècle. Celui qui offre à l'investisseur anonyme et lointain des profits confortables, mais dont les victimes sont plongées dans l'inconfort de l'angoisse (d'être viré) ou de la faim (émeutes en Asie), travailleurs réduits à l'état suicidaires, victimes incarnées aujourd'hui par les Good-Year (je salue mon ami Virgilio Da Silva, de Sud-chimie) les Contis, les Florange.

"Hypercapitalisme", heureuse contraction qui décrit ce Kapitalisme qui n'a plus rien d'humain, ni dans les procédés ni dans les objectifs, évoluant librement comme le renard libre au milieu de nous autres, volailles populaires.

Galibert emprunte cette porte d'entrée pour en ouvrir d'autres : 

à l'hypercapitalisme correspondent les hyperexigeances d'une entreprise moderne (Orange, Disney) au fascisme à peine larvé, aux méthodes managériales écrasant les cadres mais détruisant les petites-mains, et tous ceux qui, une fois poussés vers la sortie quand ils sont encore vivants ou en bonne santé, continuent de produire dans le sous-circuit rentable de la recherche d'emploi, de la formation continue, de la marchandisation des diplômes, des permis de travailler... L'Hypertravail.

Nous voilà contraint de continuer à produire par un travail d'imagination où nous-mêmes sur-valorisons ce que nous allons payer (aidés en cela par des médias omniprésents) en se serrant trois crans de ceinture ou pire, pour essayer d'atteindre ce que nous n'avons pas les moyens de nous payer (mais la prison du Crédit y rémediera un temps). Nous rêvons notre existence, plongés dans une inexistence au travail. Nous nous représentons l'espoir, nous nous projetons positivement un avenir toujours plus proche, le tout exploit ultime, dans un environnement mortellement angoissant et incertain.

Comment s'étonner dès lors que le suicide individuel -ou son état rentable- l'état suicidaire, n'accompagne pas le suicide collectif de nos sociétés "hétéro-dirigées" (comme disait Eco), menées d'une main de fer par Mme T.I.N.A ?

Mais à la lecture de cet ouvrage clair et simple au sous-titre sombre en diable "Le mode destruction hypercapitaliste", se fait jour un sens inattendu :

  • L'état suicidaire où l'être humain sain et sociable se replie, en perte de liens et de sens, en observation pour éviter d'être en prédation, cet état de larve du suicidaire est un effet induit -et souhaité- d'un marché du travail saturé où chacun joue un rôle désespéré. 

Clef de compréhension déjà précieuse à ce stade pour tous ceux qui se sont culpabilisés un jour : "Faut-il que je sois si faible pour me trouver si mal ?"...


Mieux, pour Galibert -si je traduis bien l'esprit de son pamphlet- la vraie révolte n'est ni dans le repli suicidaire ni dans l'échec du suicide avéré. Le suicidaire, loin de se mouvoir contre quoi que ce soit, consent silencieusement aux effets de l'hypercapitalisme. Il lui rend service. Il entretien la terreur qui pèse sur ceux qui restent et seront peut-être les prochains. 

Se dégagent alors des horizons insoupçonnés qui sont de nature à guérir, ou à soigner au moins, des postures culpabilisantes restées sans réponses quand, entre ces lignes, l’on perçoit bien que l’état suicidaire est un consentement, non une posture de révolte par le repli. 

Les dernières lignes, assez lumineuses, de cet ouvrage non moins éclairant que je viens de terminer avec joie contiennent une puissance positive explosive, où Galibert réinterroge le fameux dilemme de Hamlet "Être, ou ne pas être". Il observe qu'il s'agit plutôt qu'un tétralemme : 

"Vivre sans exister, c'est souffrir, subir les injustices qu'il énumère, être exploité. Exister sans vivre, c'est révolter et être tué. Être mort sans exister, c'est le suicide... quant à la vie existante, c'est l'art, la création, ici le théâtre, seul facteur de vérité et joie."



















dimanche 13 janvier 2013

Eau(x) trouble(s)


La question de savoir s'il faut manger bio pour être en bonne santé est de plus en plus souvent posée en consultation, et les médecins ne savent pas quoi répondre... Le Pr Joyeux explique la relation entre la santé et les maladies de civilisation : le diabète, l'obésité, les cancers et les maladies auto-immunes (des rhumatismes à l'Alzheimer) à travers son expérience de chirurgien du cancer et de chercheur.

Le Pr Henri Joyeux nous parle d'alimentation, à nous qui ne sommes peut-être pas captifs du Lidl d'à côté, enfin pas captifs... à part l'écrasant rouleau compresseur de l'agriculture intensive... jusqu'à notre inéluctable période de chômage longue ou de RSA...


http://www.graffic.fr/product.php?id_product=11

Par contre on nous oblige nous, Français de tous âges et tous bords, à respirer au cul à particules des voitures diesels plus qu'aucun autre pays au monde (75% du parc automobile)

En hiver, Monsieur mange dans sa voiture, moteur allumé ? Pas grave, c'est la boîte qui paye, même si  des poussettes passent à proximité ou que des personnes attendent un bus, on bouffe pendant que d'autres respirent, ou essaient de respirer... qu'est-ce qu'on en a à foutre ?
En été, Madame attend son fils qui descend au volant de sa voiture climatisée ? Moteur allumé là aussi, on respire trop bien (à Paris par temps froid) et les émanations gazeuses n'ont aucun impact sur le climat ni sur les mers...

Terre, air, mer, tout est impacté. Comment dans ces conditions ne pas en subir les conséquences ? Sans parler de la pollution électro-magnétique  des radars, des antennes-relais, des portables, des micro-ondes...  

Sans parler de la pollution de l'eau, de la pollution des sols agraires, ds cocktails de 5000 molécules qui se promènent dans l'environnement, progestérones dans l'eau, benzènes dans la poële à frire, etc. etc. Sans parler de la pollution intellectuelle qu'on appelle mass-media.

Et au beau milieu de ce gigantesque merdier (utilisons la langue française) quelques rares citoyens consciencieux éteignent leur moteur quand ils téléphonent à leur maîtresse ; d'autres cultivent, comme une goutte d'eau distillée au milieu de l'océan, de la nourriture "bio", en fait une nourriture normale.






Cancérologue, chirurgien digestif. Professeur de cancérologie et de chirurgie digestive à la Faculté de Médecine de Montpellier. Spécialiste en nutrition, alimentation et cancer. Président du mouvement « Familles de France » 

Condamnés donc, à reculer la date de nos ennuis... 
Ceci dit, on n'oblige personne à manger gras et sucré, à boire brûlant, ni à fumer ; sauf l'ignorance. 

mercredi 9 janvier 2013

Lutte des Classes, mise-au-point

Bien plus de choses ont été dites en un quart d'heure dans ce face-à-face radiophonique avec M. Bourdin sur RMC que dans le débat télévisé qui avait précédé sur France 2 la veille au soir. 

Sur la réalité de la lutte des classes, il faut dire que le Ministre dit "socialiste" du budget du gouvernement Ayrault avouait en direct  avec une candeur inouïe qu'il n'avait "jamais cru à la lutte des classes". Comme s'il s'agissait de croire et comme si on pouvait continuer de se prétendre Socialiste après un aveu pareil de mauvaise foi ! Dont acte, depuis trente ans qu'il est inscrit au P.S, M. Cahuzac trompe ses électeurs. Merci.

Cette réalité de la Lutte des Classes, Monique Pinçon-Charlot l'a souvent fait remarquer dans ses ouvrages, est déniée par ceux qui précisément en ont une conscience aiguë (les très riches). M. Cahuzac situe donc son camp.


Pour s'épargner un dialogue de sourds, voir le zapping de rattrapage 
(documenté et acide)


Il fallait aussi entendre M. Cahuzac affirmer avoir eu raison contre le peuple en 2005 -OUI au TCE-, avoir voté NON à Maastricht en 1992, contre le peuple encore une fois... Il fallait l'entendre sur le Smic par exemple, et cela nécessite une mise-au-point :  

  • Le Smic n'a pas été revalorisé de 2 %. Il a été réajusté de 1,4 % en juillet 2012 ce n'est pas une hausse ! C'est un rattrapage ! La compensation d'une perte subie ne vaut pas une hausse ! (Merci Gérard Filoche (P.S)). Durant un an, les salariés perdent du pouvoir d'achat. Quand ce rattrapage survient, en fait il ne compense pas ces pertes subies, il évite qu'elles continuent ! Ensuite il a été, il est vrai, ajouté 0,6 % de "coup de pouce" le 1er juillet en "avance" sur le... 1er janvier ! Puis, le 1er janvier c'est 0,3 %... en fait la hausse est de 2,3 % sur un an, déduit les pertes... or le 1er janvier, le gaz augmente de 2,4 % (80% en dix ans!) l'électricité de 2,5 %, les transports de 2,4 %, etc.. ce qui fait que dès le 1er janvier les smicards PERDENT du pouvoir d'achat, qu'ils ne rattraperont qu'avec retard, peut être ... en janvier 2014, mais vu l'augmentation de TVA en janvier 2014 ..... D'ici-là, leur niveau de vie réel baissera chaque mois.
Bref, il fallait le faire !



Puis vient cette émission, ci-dessous, d'un quart d'heure, qui se termine par un climax assez monstrueux, et qui laisse pantois le journaliste de RMC. Elle est intéressante car beaucoup de choses sont précisées par rapport à une émission télévisée qui ne fut pas une réussite, mal conduite qu'elle était par le modérateur (en a-t-on parlé, Yves Calvi aurait voulu tendre un piège de droite qu'il ne s'y serait pas mieux pris)*

Et à ce propos, je ne vois toujours pas en quoi les "tirades" de Jean-Luc Mélenchon, parce qu'elles ont de lyriques ou d'émotionnelles, seraient "démago", comme l'a encore dit Sylvie Pierre-Brossolette sur iTélé aujourd'hui, ni de clownesque, comme le lançait le très chahuté Jérôme Cahuzac dans le débat qui les opposa lundi 7 janvier dernier. 

Lorsqu'il s'agit de montrer les lignes qui clivent les sensibilités (le Oui/le Non au TCE, au TSCG) indiquer des sujets de lutte sociale au caractère scandaleux (Fralib, Peugeot etc.), il faudrait selon ces cul-pincés, s'indigner, ou décrire un système indigne selon un mode d'expression détaché ou glacé...

Pour ces gens raisonnables, ou raisonnés à +10 000 euros/mois, il faudrait en gros... que Mélenchon ressemble à Cauhuzac... qui resssemble à ses banquiers... 
Ce serait bien étrange et "déphasé", et je fais confiance aux chercheurs de poux : on lui en ferait bien vite le reproche.



*Sur le débat Mélenchon/ Cahuzac, je recommanderais le billet d'un étudiant de SC-Po Grenoble, Allan C. sur Agoravox