J’ai 42 ans, deux enfants, et suis régulièrement au chomâge plusieurs fois par an, depuis 22 ans. Qu'importe de savoir dans quel secteur.
Cette position chronique est fatigante, mais elle me donne l’avantage d’observer l’évolution de notre société. Mes origines, très modestes. Sous-prolétaires même, au sens où les prolétaires des années 1970 avaient tous leur pavillon et leurs deux voitures, or, ce n'est toujours pas mon cas.
J’ai été élevé à Amiens. Dans mon quartier, aujourd’hui les flics n’y vont même plus. Nous manquions de beaucoup de choses mais nous n’étions pas atteints par cette misère incommensurable de ceux qui sont privés des bases de la langue française. Ma mère avait dans son bagage les œuvres de George Sand, et des poèmes de Shakespeare qu’elle avait traduit de l’anglais au lycée, à l’âge où les élèves d’aujourd’hui essaient encore de rédiger un paragraphe correct en français. Ma formation a duré huit années, prise entièrement sur concours, dans les écoles nationales, sur les deniers publics.
Alors j’aurais de quoi m’abstenir, proférer des cris d’impuissance, lancer des anathèmes ... Mais pourquoi s’abstenir ? Est-ce qu’on peut sérieusement l’expliquer en 2012 ? Je ne crois pas. Pour moi, la résignation est un suicide quotidien.
Je me suis dit que le moment était venu de se lever. Tôt. J’ai compris l’appel de Mélenchon. J’ai adhéré son Parti de gauche pour 3 euros/mois. On y apprend des tas de choses, à comprendre les rouages qui sont à l’œuvre dans notre désastre. Et aujourd’hui on en est là, des meetings d’éducation populaire aux allures de soulèvements. 120 000 personnes ici, 70 000 là… Je suis content de voir mon pays toujours en éveil.
Ce n’est pas juste le hasard d'une campagne et d'un orateur. D'abord si l'orateur est écouté c'est qu'il a quelque chose à dire. Sinon ça ne tiendrait pas deux minutes. Et ça sonne juste.
La situation du pays et de l’Europe est plus grave que jamais pour les citoyens, et la question est sérieuse. Elle dépasse largement le cadre de la Droite ou de la Gauche :
- Voulons-nous, oui ou non, continuer d’être les citoyens d’un pays qui se met lui-même les menottes aux mains?
Et d’abord, comment en sommes-nous arrivés à être, précisément, si impuissants ?
Cette impuissance a des règles. Ces règles portent un nom : le Néo-Libéralisme.
On ne nous l’explique jamais. C’est tout simplement un projet de la Banque Mondiale et du FMI relayé par l’Europe depuis 1971 : transformer les services publics en services privés, qui coûtent plus cher à chacun, mais qui rapportent beaucoup plus aux propriétaires privés.
Pour faire simple, un geste simple comme téléphoner doit enrichir Monsieur Bouygues, et plus du tout apporter un service public comme les P.T.T. C’est interdit par le “néo-libéralisme”. Ou encore, créér des postes de soutien scolaire, parce qu’il y a un grand besoin, non. Mais exonérer d’impôts une boîte privée qui fera payer des parents en détresse, oui.
Au jour le jour, c’est ça le “néo-libéralisme”. C’est pas du tout libéral, c’est une dictature. C’est soutenu et même encouragé à l’UMP. C’est accompagné au PS. François Hollande ne veut pas effrayer les marchés. Nicolas Sarkozy les rassure. Montrez-moi la différence.
Résultat, on a moins de morts qu’en 1914, certes, mais plus de motifs d’angoisse. Nos champs de bataille ont changé de gueule. Avoir un logement, c’est gagner une guerre. Avoir un emploi, c’est gagner une autre guerre. Le garder, c’est devenu un exploit. Transmettre un patrimoine est devenu une utopie. Mener à bien l’éducation et la scolarité de ses enfants est une autre aventure encore. Dans toutes les couches de la société, l’horizon n’est visible que pour les quelques vainqueurs. Dans les plus basses, nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas vouloir nous dire les perdants de l’histoire. On en a assez de subir notre autobiographie plutôt que l’écrire. Où est la différence avec 14 ? On ne mourra peut-être pas sous une balle ennemie, mais d’un cancer quelconque oui, puisque l’agriculture industrielle achève de nous empoisonner. Par dessus le marché.
D’ailleurs, les effets sont bien visibles : c’est la première fois dans l’histoire contemporaine que les enfants s’apprêtent à vivre moins bien et moins longtemps que leurs parents et leurs grands-parents.
Mélenchon lui est clair, il s’attaque à ces règles.
Revenons aux impuissants des temps modernes. Nous sommes au XXI°siècle, et les demandeurs d’emploi sont désormais appelés “chômeurs” par le Président de la République même. On nous parle comme ça ? On nous définit même comme demandeurs ? Alors qu’on a une puissance de travail à offrir et que les employeurs eux demandent des compétences pour faire tourner leur industrie. Voilà un bien beau retournement, dites-moi.
On nous demande aussi d’avoir du talent. Il faudra à notre “demandeur d’emploi” contemporain, pour imposer sa présence, un petit supplément de qualités, subjectives, mal définies mais sensibles, pour se hisser dans la pyramide de ceux qui vivent de leur travail. Le règne de l’Aléatoire, de la Chance. La loi de la jungle n’est pas loin.
Tout est dit : “imposer” sa présence aux autres ; se rendre, par l’usure de l’habitude, “disponible” dans l’environnement de ceux qui choisissent ; grimper sur les autres, c’est le quotidien harassant d’une vie de galère à laquelle on se condamne soi-même. Mais au chômage, ne pas se décourager avant, être tout à son affaire pendant, et ne pas avoir peur du vide en sortant. Et ce, tous les jours, tous les ans.
J’avais, comme toute une génération d’enfants, nés avec la Vème République, évolué dans un discours scolaire officiel complètement béat où le mérite nous apporterait toutes les satisfactions sociales et nous feraient prendre son ascenseur. En 2012, on ne gravit même pas les marches d’un escalier républicain puisque l’ascenseur social est en panne. À mon âge, alors qu’on nous promet longue vie, je suis déjà trop vieux pour certaines missions, et il me reste encore 40 ans à vivre. À ce train-là, ça va être long.
On prévoit 30 millions de chômeurs en Europe. Si on reste dans ce cadre là, oui. Voilà la belle perspective que promettent les économistes en diable. Mais ils affaiblissent l’Europe en orientant, comme les gares avec les trains, les richesses produites vers la Finance, depuis plus de trente ans et avec Bruxelles comme gendarme. En Grèce, ça n’est pas un discours, ça. Que l’impuissance s’arrête, maintenant.
Donc pour qui voter ?
Voter pour Hollande, ou Sarkozy ? Ceux-là ne se sentent pas gênés d’assujettir leur peuple à ces marchands d’argent cher, à ces draculas institutionnels. Hisser l’un ou l’autre de ces deux-là au pouvoir, c’est recommencer.
Donc, s’abstenir en avril et en mai ? Un suicide collectif. La preuve : Si vous connaissez une personne qui s’abstienne, demandez-lui combien elle gagne par mois, vous verrez.
Alors, abrégeons nos souffrances, libérons nos pays, un à un, de cette dictature qui n’a de “libéral” que le nom. Commençons par nous-mêmes.
Personnellement, je ne suis pas maso : je voterai bien pour Jean-Luc Mélenchon et j’espère que ce sera une bonne fois pour toutes. C’est la seule chance d’en terminer avec ce fameux néo-libéralisme, ce capitalisme-financier, et par le haut. En montrant qu’on peut organiser une société autrement.
Ce n’est pas possible ? Si. En refusant d’appliquer les traités européens, au moins quelques articles. En désobéissant ! Faudra-t-il prendre les armes ? Les Grecs, les Espagnols se le demandent aujourd’hui.
Un petit billet dans l'urne maintenant pour les intérêts qui sont les nôtres. Celui du chômeur vaudra bien ce jour là celui du banquier.
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