mercredi 2 mai 2012

Contre une abstention infertile, un vote blanc "dynamique"



La situation insurrectionnelle que partagent les pays d’Europe touchés par les politiques de la Troïka s’est soudain transformé en France par un plébiscite pour le candidat du P.S, François Hollande. 
C’est d’autant plus curieux que ne se retrouvent pas chez lui les volontés de rupture avec les institutions supra-nationales qui entendent prendre les rênes des pays d’Europe comme la France, qui ont encore un système social à défendre. Au contraire, le programme de M. Hollande s’inscrit dans une démarche d’accompagnement du néo-libéralisme financier, typiquement social-démocrate européen, pour ne pas dire européiste. Pour les institutions supra-nationales (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Conseil européen), tout au plus Hollande est-il le remplaçant attendu de Dominique Strauss-Kahn, personne n’en est dupe. Son ombre rôde même du côté de la rue St Denis, on l'a encore vu récemment. 


Le plébiscite anti Sarko-Lepen est devenu quasiment obligatoire par une sorte d'enfermement où le contraint, ce 1er-Mai, Mme Frida Oumpapa devant l'opéra ("pour Invalides, changez à Opéra..."). Pour de trop nombreux citoyens pourtant épris de réflexion et de débats dialectiques, il suffit qu'elle braie blanc pour que le noir soit à la mode. Moi, ma colère sera plutôt rouge, et j'oserai sans peur (justement) des reproches renvoyer tout ce beau monde dos-à-dos. 
Or, pour arriver au résultat d’un second tour Sarkozy/Hollande, nous venons de voir fabriquer par les médias de masse une campagne électorale qui transforme le citoyen instruit en couard. Elle a été une fois de plus basée sur la peur, ce fameux réflexe primal qui déconnecte le cortex pour laisser piloter le cerveau reptilien. À droite, peur de la religion islamique et du terrorisme. À gauche, peur d’un retour de la droite religieuse et nationale.
Au premier tour, peur de Le Pen ; au second, peur de Sarko. Ce petit jeu va durer encore longtemps ?

Au premier tour, la gauche a hésité, a laissé passer sa chance de tourner vraiment la page, de rompre de telle manière que le monde entier nous aurait observé avec intérêt, et pas seulement l'Amérique du sud. Elle est allé voter en pantoufles. En renfort d’un candidat qui ne suscitait aucun enthousiasme particulier, mais celui qui était placé dans les sondages. Nous combattons le pouvoir d’injonction donné aux agences de notation financière, combattons les agences de notation de l’opinion, ce sont les mêmes ! Or, qu’en eut-il été si la quantité de ces sondages était limitée ? Tout autrement. À tel point que s’il est vrai que 30% des électeurs de François Hollande s’apprêtaient à voter pour Jean-Luc Mélenchon trois jours plus tôt, plus par adhésion positive que par crainte de tout autre, ces 30% d’hésitants marquent de leur empreinte l’état du paysage médiatique de second tour et, c’est plus inquiétant, des années à venir. Il reste que le débat entre un Sarkozy et un Mélenchon eut été autrement plus intéressant que celui récupéré des poubelles du Front National par Sarko-LePen-Guéant. M. Hollande, ce soir à la télévision pour le débat traditionnel, à défaut de présenter un projet profondément réformateur, s’appuiera sur les carences de celui de M. Sarkozy. 
Cette hésitation donc, voire cette couardise, doit-elle enfermer mon vote du 6 mai ?
Le fait même pour François Hollande d’incarner plus que le Parti socialiste, mais le Socialisme lui-même, est une usurpation qui porte encore ses fruits électoraux, tant l’océan des électeurs est martelé chaque jour de cette appellation qui n’a rien de réelle. Pour bon nombre de gens mal informés, ou carrément désinformés, le parti de François Hollande serait encore socialiste. Faut-il alors parler désormais de droite socialiste, ou de gauche non-socialiste... Certes, il y a encore des socialistes au P.S, que je respecte et même que j’admire pour certains, mais qui s’y attardent et ont l’orgueil de croire qu’ils vont peser. Heureusement, il apparaît de plus en plus clairement que le programme porté par le Front de Gauche est celui d’une gauche socialiste et alternative, au sens où le font entendre les politiques “socialistes” menées en Amérique du Sud, pour débarrasser le continent de l’emprise des institutions financières (c’est fait) et redresser ces pays économiquement et donc socialement (c’est en cours).
La situation est insurrectionnelle vis-à-vis du pouvoir en place, mais pas des politiques à venir que préparent lesdits “Partis Socialistes Européens”.
Tout citoyen conscient des choix de Nicolas Sarkozy et de son bilan souhaite son départ. Pour cela, après m’avoir fait peur avec la spectrale Le Pen, on me demande à présent d’utiliser mon bulletin de vote négativement, dans la peur d’un nouveau mandat de Sarkozy. Mais en quoi  ce départ me garantit-il un vrai changement, lorsque M. Hollande clame à la presse étrangère qu’il n’y a “rien à craindre” ? Pourquoi M. Hollande a-t-il donc pris dans son équipe M. Jean-Pierre Jouyet, Conseiller et Délégué aux Affaires européennes de Nicolas Sarkozy, si ce n’est pour rassurer les marchés ? Plus il faut rassurer les marchés, plus les salariés doivent s’inquiéter : allez le dire à un Espagnol, un Irlandais ou un Grec, il comprendra.
M. Hollande va-t-il tout faire pour que le Smic horaire passe à un eq. de 1700€/mois ? Non. Va-t-il revenir sur l'allongement de la durée de cotisation tellement voulue par le Medef ? Non plus.


Peut-on également demander cette plasticité à des acteurs d’une campagne présidentielle de renoncer à ce point à leurs ambitions de réformes économiques, à leurs appétits de refonte des institutions, à leurs désirs de révolution d’un système sclérosé de redistribution des richesses créées, pour les réduire à un seul geste, rejeter un homme au pouvoir ?
D’abord ce serait le comble de la personnalisation, lui reconnaître bien du pouvoir, un pouvoir qu’il n’a peut-être pas. Nicolas Sarkozy, tout bonhomme qu’il est, n’est qu’un agent  contraint d’une hiérarchie plus haute que lui, agissant dans le cadre institutionnel supra-national d’aujourd’hui que nous proposons de récuser. Ce serait bien petit et bien insuffisant tant les affaires vont continuer à se faire dans ce cadre où François Hollande veut évoluer, le même. Comme le dit Frédéric Lordon, si vous trouvez, dans les programmes des deux candidats que nous nous apprêtons à départager la moindre velléité d’une remise en cause sérieuse des structures du néo-libéralisme, qu’on me le fasse savoir.



M. Hollande assuré d’un fort score aurait les coudées franches pour faire taire sa gauche, et appliquer le programme de la droite du P.S. 
Dans ces conditions, il conviendrait même que M. Hollande ne soit pas si bien élu. Souvenons-nous de ce qu’à fait Jacques Chirac lors de son second mandat. Elu avec 82% des voix, loin de former un gouvernement d’union nationale, celui-ci fit appliquer le programme de la droite du Medef
Par peur d’un Sarko, on aurait gagné un Bayrou. La belle affaire ! Voilà où le système de sélection des primaires du P.S, et la collusion médiatico-politique du Siècle nous réduit. 


Personnellement j’éviterai de prendre mon parti le 6 mai 2012. Je voterai, mais blanc. Cette décision revêt un caractère idéologique et, c’est plus sûr, un caractère intime, je m’en explique.
D’abord, pour l’irritation, il faut admettre que depuis le début de la campagne présidentielle, tout a été fait. Notre candidat du Front de Gauche a été la risée des observateurs (dessin de Plantu) puis snobé par les autres candidats (Huchon disait “pire que Le Pen”, son ami Hollande lui a refusé un débat) et enfin a été critiqué de plus en plus durement au fur et à mesure que sa popularité augmentait (MM. Brezet et Roquette invoquaient la folie, et les 100 millions de morts que le soviétisme aurait provoqués au XX° siècle). À la toute fin de la campagne, certains organes de presse dits de gauche ont été jusqu’au point ultime de l’ignominie, les meetings populaires étant assimilés à ceux de 1933. La coupe est pleine, et l’insulte a dépassé les bornes. Honte à tous les anciens camarades de Jean-Luc Mélenchon de n’avoir haussé une seule fois la voix pour que cesse cette pluie d’avanies sur nos têtes qui espéraient de l’humanisme et du progrès social. Honte !
Une fois les résultats donnés, le score électoral de 11,11% du Front de Gauche nous est présenté sur toutes les antennes, dans toutes les colonnes, comme un “échec”. La formation est en constante évolution depuis sa création, a dépassé 10%, et totalise près de 4 millions de voix. Non seulement ses chiffres mais sa pertinence idéologique, d’un socialisme refondé par l’écologie, n’est pas même reconnue du bout des lèvres par M. François Hollande qui requiert nos voix et les tient pour acquises. 
Ce lui serait une leçon de modestie, sinon de camaraderie qu’elles ne les soient pas, acquises ! Ce serait “dynamique”, aussi dynamique que l’abstention de ses députés au Mécanisme Européen de Stabilité, passé à l’Assemblée et au Sénat il y a deux mois à peine. Souvenons-nous de ce vrai “foutage de gueule” que les députés ont brandi lors du vote : “l’abstention dynamique”. Moi, j’ai toujours un miroir à brandir à ceux qui se fichent du monde, lors quand on me demande de prendre exemple sur l’attitude du parti “seul-réaliste”, eh bien soit ! Je serai réaliste et dynamique !
Quant à une décision plus personnelle, car en définitive aucun de nous ne peut faire abstraction des phénomènes complexes qui mènent au choix, ayant trait au rapport à l’autre, à la qualité particulière des informations acquises, au vécu personnel, à l’expérience du travail, selon une capacité à se discipliner plus ou moins grande, une vie plus ou moins active, plus ou moins solitaire ou grégaire.
À ceux qui trouveraient ma position rigide ou même “inintelligente”, je répondrai que depuis que je suis entré dans la vie active, rien, je dis bien rien dans la société n’a favorisé dans mes projets multiples et avortés. Dans mon existence, aucune considération n’a été accordée à mes demandes d’un emploi correspondant à mes qualifications. 


La preuve en est que je suis encore au chômage sans indemnités malgré un niveau de français honorable, une absence de handicap, une pleine santé, que je suis encore locataire à 42 ans, que je ne pars toujours pas en vacances avec mes enfants, et que je paie quand même des impôts.  

Je vais vous raconter une histoire. Il y a peu, j’ai dû me contraindre à demander un emploi à la Ville de Paris comme agent d’entretien des installations sportives, puis comme agent de bureau de catégorie C, alors qu’il y a encore trois ans je travaillais comme cadre. On ne m’a même pas convoqué aux entretiens ; et lorsque j’ai sollicité de la bienveillance d’une personnalité pour obtenir un rendez-vous à la Direction des Affaires Culturelles, sa directrice m’a répondu que je pouvais aller faire un tour “sur le site internet de la Ville”, autrement dit, que je pouvais aller me faire foutre.
Voilà le sort de millions de gens de ma condition, de ma naissance. En Europe, 25 millions .

Donc, comme demandeur d’emploi je ne suis pas digne d’être reçu. Mais comme citoyen on en appelle à ma raison ? 
Comme chômeur on m’envoie aux latrines, mais comme citoyen, on m’envoie aux urnes ? 


Comme de nombreux français qui n’en peuvent mais, je réserve le mot de Cambronne. 
Et en dernière analyse, même si ça n’en est pas une, je ne vois pas pourquoi je devrais à nouveau m’abaisser, une fois de plus, et renier ce qui reste de tangible chez moi, mes convictions politiques, en allant voter pour un candidat qui ne me correspond pas. Qu’ils s’en aillent vite ! Et ce n’est pas un nouveau mandat de Sarkozy qui empêchera cette révolution d’avancer. Tout est à gagner sur le terrain, tant les médias sont, et seront, verrouillés, quel que soit le Président. 
Je soutiens un projet politique concret et participe quelquefois à l’élaboration de mesures précises, et je n’ai pas du tout l’impression d’avoir fait campagne seulement sur des “valeurs”, comme la condescendance méprisante de certains me le signifie.
Je suis comme des millions de personnes en Europe, en marche pour une société plus juste économiquement, plus exemplaire socialement et plus vertueuse écologiquement, et je me garderai bien de me voir assimilé à ceux qui auraient donné un blanc-seing sans contrepartie à l’un ou l’autre candidat, porteur d’une autre projet, peu soucieux de combattre les verrous institutionnels des traités européens qui sont les Chevaux-de-Troie des renoncements à venir.

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