vendredi 9 mars 2012

Bayrou de secours


Que révèle dans cette campagne l’omni-présence télévisuelle des visions politiques d’un homme du siècle passé ? Que le pouvoir est en place, et que les médias sont là, comme autant de coussins d’amortissements aux chocs des sociétés. M. Bayrou en est sûrement un de ses plus épais air-bags.


Au lendemain des deux heures trente de l’émission de France 2, “Des Paroles et des actes” avec François Bayrou on se dit que de toute évidence -à voir son artificiel crédit de 14% d’intention de vote sans faire d’efforts, Bayrou est l'auxiliaire éligible des consortiums privés de fabrication de l'opinion, qu’on appelle tantôt Instituts de sondage, tantôt Agences de notations.

Et puis c'est pratique, en cas de déconfiture du candidat de droite, de maladie voire d'attentat d'un candidat en lice, à droite on a toujours son Bayrou de secours.
Soi-disant opposé à Manuel Valls au milieu d’une émission pleine de bons sentiments, tellement que mon écran en dégoulinait, François Bayrou eut bien du mal à masquer la girouette perpétuelle qu’il est depuis trente ans de présence à droite. De son coté, son adversaire d’un soir, ami de toujours, le dit socialiste eut peine à faire avouer à Bayrou (pourquoi d'ailleurs) qu’il est un homme de cette “Seconde Gauche” chère à Michel Rocard, cette gauche européiste béate, cette social-démocratie qui fit tant de mal en Allemagne, en Italie ; et en Amérique du Sud à toute la gauche socialiste qu’elle a absorbée et disqualifiée en trompant les électeurs sur ses objectifs. Jusqu’à se faire renverser.
Face à un opposant politique réel, François Bayrou aurait eu sans doute plus de difficultés face à son bilan droitier. Mais les chiens de garde du temple néo-libéral étaient là pour ne pas l’exposer trop durement, lui qui fait d’emblée partie du carré de tête qu’on présente au JT, tantôt léche-cul, tantôt faux-cul, garant de l’alternance euro-libérale qu’elle soit de droite ou dite de gauche. Mais nous allons nous en charger.
D’abord, le Giscard des temps modernes a le don de s’attribuer les mérites de projets qui sont déjà dans les tuyaux ou mieux, déjà en place. 
Par exemple, le sieur Bayrou se fait fort d’imposer la règle d’Or. Il est parfaitement dans la ligne autoritaire de l’austérité décidée à Bruxelles pour rassurer les marchés financiers puisque ce serait le seul horizon possible... Mais c’est pour ne pas choquer ses ouailles qu’il omet de dire que cette règle d’or budgétaire vient d’être adoptée, de fait, par le Mécanisme Européen de Stabilité et au Traité sur la Gouvernance passés sous silence et adoptés dernièrement par les deux Chambres, grâce -il est vrai- à l’abstention massive du Parti dit socialiste sur ce vote. 
Contempteur de l’Europe assommante d’aujourd’hui, les coups d’état supra-nationaux de Bruxelles ne dérangent guère M. Bayrou. 
Il avait appelé à voter OUI en 2005, et c’est aujourd’hui un digne représentant de la petite bourgeoisie satisfaite qui se presse à ses petits meetings. Mais il l’a montré lors cette émission d’un ennui mortifère, les transferts de souveraineté  dans sa novlangue pudibonde voire bon-dieu-sarde, sont rebaptisés “des gains de cohérence”. Puis, dans une sortie qui ose le gros mot : “Le clivage Droite/Gauche est une stupidité”, alors que nous devrions tous plutôt redouter l’abstention, due au sentiment de l’absence de clivage politique clair, abstentions massives que ce flou politique là a provoqué dans toute l’Europe. Mais dans sa bouche c'est plus simple, la ligne de démarcation qui le sépare du P.S majoritaire est une stupidité, nous en serons d'accord.

Le faux-cul de la droite française, c’est magnifiquement Bayrou, avec un seul sésame aux lèvres : la modernité. Pitoyable.

S’intronisant apôtre moderne d’un gouvernement européen, et bien sûr zélote de la discipline budgétaire il sort son martinet : “Quand les citoyens connaîtront leurs dirigeants, ils pourront mieux s’en plaindre”. On ne peut que lui donner raison : ils mettront enfin un visage sur celui qui donne le fouet !
Et donc, il va comme un costume neuf à cet homme de regretter la disparition des services d’urgence ruraux, quand celui-ci avait voté pour la privatisation de La Poste en 2005, pour les directives européennes sur le Gaz et l’électricité, pour la Révision Générale des Politiques Publiques... Toute cette casse de services que ces gens là détestent lorsqu’ils sont garantis d’une continuité par la puissance publique, mais dont ils plaignent la détérioration une fois que les investisseurs compriment le personnel ou précarisent le travail. Alors humaniste oui, version fiasco. 

Le candidat ni de gauche-ni de gauche se présente comme un "humaniste". En effet, mais avec son masque de la version “fascio”, il a plaidé pour la baisse de l’ISF, a voté les lois de mars 2003, loi anti-mendicité, délit de racolage des Hortefeux et Sarko qu’il défie tant et tant et qui, en grand démocrate a voté les lois contre les “rassemblements menaçants” (menaçants pour qui ?) . 
En 2005, il jurait qu’un “changement de République ne peut se faire que par la guerre”. Aujourd’hui il découvre les vertus qu’aurait une VI° République, qui découlerait d’un processus démocratique... Alors, humaniste version fascio.
C’est selon le vent, en effet.
Voilà comme se présente le soi-disant humaniste bon teint : brave bourgeois Balzacien de nos vertes vallées, candidat des notaires et des huissiers, qui du fond de son terroir appelle à la mémoire de Delors et Rocard, pour tenter de nous persuader que ceux qui se sont lourdement trompés hier sur les visées néo-libérales de la construction européenne seraient modernes demain. Le brave bourgeois affiche les premiers signes inquiétants de sénescence politique  ; on en vient à espérer pour lui que ce soit moins grave : de l’opportunisme... 
Aujourd'hui, c'est la Gauche Socialiste et Ecologique qui est un Humanisme, et j'appelle tous les citoyens de bonne volonté à se pencher sur le programme écologique de Jean-Luc Mélenchon, si mal relayé dans les médias.
Mais M. Bayrou devrait savoir puisqu’il semble si intelligent que plus personne n’a besoin son courant de pensée, totalement discrédité par le cataclysme financier de 2008. Depuis, les pouvoirs socio-démocrates accompagnent les dérives, constatent les dégâts au travail du néo-libéralisme, toujours immoralisable.
Leurs voix sont douces et leurs politiques sont dures. Comme Bayrou, qui tient Mario Monti en grande estime (!) ils sont inaudibles sur les remises en cause nécessaires pour s’en affranchir. En grand analyste économique, il pense sérieusement que “les Allemands ont dérégulé le travail, pour s’aligner sur les salaires français” qui étaient plus bas. On croit rêver à entendre le meilleur déni de libéralisme allemand qui fut prononcé. Ce Don Quichotte se dit en guerre contre des moulins qu’il ne combat jamais.
De plus, le centrisme est aujourd’hui tellement bien incarné par François Hollande et ses piliers socio-démocrates (Valls, Moscovici) que le Centrisme devient mécaniquement inutile, le Parti dit Socialiste s'en charge.
Une inutilité aveuglante, portée au pinacle dans les sondages et servie à tous les J.T, prenant du temps d’antenne aux candidats de la gauche, dans un contexte de gravité de la situation internationale où les velléités d'Israël sur l'Iran risquent d'occuper la scène dramatiquement, que passer le temps à parler des volte-face de François Bayrou ferait presque pleurer de honte sur la qualité , ou la liberté, du journalisme politique français.

3 commentaires:

  1. Bonsoir,

    J'ai suivi cette émission parce que ma fille veut voter pour Bayrou et que moi je vote pour JLM, alors je fais des sacrifices et je me farcis des débats qui ne mènent à rien pour la convaincre...de changer d'avis...
    Au delà de cette motivation, il est vrai que Bayrou est un humaniste et plutôt sympathique et ça m'intéressait de savoir ce qu'il allait dire...
    C'est vrai qu'il me fait penser à Giscard, et sous Giscard il n'y a pas eu que de mauvaises lois ne vous en déplaise...
    Mon beau-père était centriste et je parlais souvent politique avec lui, d’ailleurs il aimait bien car j'étais la seule de ses belles filles déterminée à gauche, qui ne s'en cachait pas et qui osait l'affronter.
    Les centristes ne sont pas des mauvaises personnes, rien à voir avec le FN qui distille son venin à longueur de médias dès qu'ils ont la parole.
    Peut-être les centristes sont-ils des naïfs, des idéalistes qui pensent que tout va s'arranger si on "met de l'huile" !
    Ceci était peut-être vrai dans les années 70, mais plus maintenant, est-ce que Bayrou y croit encore ? je n'en sais rien...

    Par rapport à l'Allemagne, mon père y a vécu 5 ans en tant que prisonnier de guerre et il m'a dit que ce pays avait voté pour Hitler parce qu'ils avaient peur pour leur fric; il a ajouté que toutes les guerres étaient pour la plupart des histoires d'argent entre les puissants de ce monde et que les peuples n'y étaient pour rien et qu'ils n'avaient pas le choix ou qu'ils étaient endoctrinés.

    Il est affligeant de constater que les socialistes sont devenus des centristes voir pire : ayant voté pour la gauche en 1981, et voir ce que c'est devenu en quelques années, finalement on peut constater que les centristes, eux, sont toujours fidèles dans leurs errements...
    Alors que je ne m'attendais pas du tout aux errements de la gauche....
    Mais il est difficile d'accepter qu'on s'est trompé par rapport aux idées que l'on défendait.
    Trahie par son propre camp : que faire ? j'ai eu du mal à m'en remettre et tantôt dans l'abstention pure et simple, tantôt dans le vote blanc, et parfois écolo, je dois dire qu'avant l'arrivée de JL Mélenchon, je ne pensais pas revoter un jour à gauche, même si je voyais que le monde allait mal, car quelle gauche ?
    Bon, ça va maintenant j'ai la réponse.
    Bien cordialement

    Hélène Durand

    Adresse mail si vous souhaitez me répondre : hmiss26@aol.com

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  2. Roue de secours ! Ouah, quel super jeu de mot ! c'est très fin mais c'est aussi risible venant d'un supporter de Mélenchon ! En fait de roue de secours, Mélenchon en est une bonne grosse pour les socialistes .. souvenez vous de son parcours ! Souvenez vous, en 1992, il était pour le traité de Maastricht ...
    Le problème des socialo-communistes, c'est qu'ils ont raison, toujours, même devant l'évidence, eux-seuls ont raison .. les autres, s'ils ne pensent pas comme vous, sont hors jeu, pas la peine de discuter ... vous excluez définitivement alors que vous prêchez le contraire ..

    Finalement, je vous plains !

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  3. Si vous vous sentez exclu vous-même... n'en blâmez pas les autres.
    Et écrivez sous votre véritable nom, un peu de courage.
    Qu'avez-vous à vous reprocher ?

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