samedi 8 juin 2013

Clément Méric n'était donc pas un fils de la République...

Le 6 juin 2013, c'était la première fois que j'avais 44 ans et c'était la dernière fois que ce jeune garçon, Clément M. avait 19 ans. Drôle de réveil.



Révolté par ce qui est arrivé à ce jeune homme dont j’aurais pu être le père, j'ai eu envie d’aller déposer un bouquet à l'angle de la rue Joubert et de la rue Caumartin, avec au col le triangle rouge que mon propre père avait au bras il y a juste 70 ans. 

Je suis allé à la place St Michel à Paris en citoyen, comme j’étais, avec ce que je suis, avec mon passé, mes convictions que je ne prétends pas définitives. Je ne dénie pas, moi, à ceux qui se disent anarchistes le droit de l’être, et je suis sûr que Clément Méric, syndicaliste à Sud-Etudiant, acceptait que nous puissions avancer dans la même direction, même avec des sensibilités différentes.


Arrivé à la place St Michel la manifestation de soutien à Clément Méric et sa famille se tenait en silence et avec une grande dignité, une force et une indignation qui rayonnait. J’ai rarement ressenti un aussi beau moment de recueillement laïc. 

Mais j’ai aussi vu et entendu de quelle manière lesdits "Libertaires", pourtant opposés à la notion de propriété, pouvaient s'approprier, et avec force, une icône dont ils ont décidé, dans un total esprit de liberté, qu'elle leur appartenait... 

Car en citoyen libre, sans aucun logo à la veste, j’avais confectionné ce pannonceau à ma façon que je tenais devant moi :



Un jeune homme m’a signifié : - «Clément n’était pas un fils de la république, c’était un anarchiste, arrêtez de tout récupérer comme ça !». Pourtant la République Française admet qu'on soit anarchiste, non ? 

Je n’ai pas eu le culot de demander à ce «puriste» s’il avait vécu toute sa vie dans les bois (et encore pas les bois circonscrits par l’Office National des Forêts bien sûr) ni s'il était toujours hébergé chez ses papa-maman propriétaires...  Ces bois, moi, ai-je envie de dire à ce petit-bourgeois vociférant, je les ai connus, et j'ai apprécié que la République sociale ait organisé un circuit d'aide adéquat qui fait qu'aujourd'hui je suis là, au lieu d'être mort. 

J'avoue mon exaspération, mais j’aime ce que mon ami Nathanaël dit sur son Facebook : «La violence du présent exige des humbles artisans que nous sommes une clarté de pensée plus grande encore.» 

Donc, pesons nos mots, et essayons de maintenir le fil à plomb.

Mais venons-en à la question qui semble irriter ou obséder les libertaires, sous le coup de cette forte émotion, est révélatrice : la récupération. 

Comme si l'activité politique était le vampire des événements, uniquement là pour l'image marketing, et ne se souciait pas de traduire la violence par la Voix, la frustration par le Bulletin. C'est faire un bien mauvais procès au Parti de Gauche qui a été la première formation politique à appeler à manifester en soutien du jeune homme assassiné. Qu'auraient-ils pensé si le PG avait observé un respecteux silence ?

Pour les anti-démocrates la politique est une condition non-satisfaisante et non-nécessaire. Ils se situent en-dehors de la République et donc de la possibilité d’une Révolution citoyenne, celle qui se fait par les urnes et le débat démocratique. Il s’en faudrait de peu pour qu’ils soient armés si les armes étaient en vente libre. 

Alors, sont-ils seulement d’extrême-gauche, comme les medias l’avancent, comme par un écœurant jeu de miroir avec l’extrême-droite, ... ou ne sont-ils pas simplement hors-champ ?  

Et si les factions d’extrême-droite étaient dissoutes et même le Front National, ce que je souhaite, que leur resterait-il comme point d’appui critique et comme catalyseur d’exaltation ? Mélenchon peut-être, "ce clown social-démocrate" pour les uns, "ce stalinien entre Chavez et Séguela" pour les autres ? 

Il paraît selon François Delapierre que le jeune Clément Méric n'était pas de cette eau là, mais avez-vous déjà essayé de discuter avec l’un de ces militants libertaires ? Avez-vous déjà osé affirmer devant eux que nous avons un «modèle social», que nous avons un «Droit du travail», arraché à la sueur des combats dans les entrreprises et dans la rue, des «acquis sociaux» à préserver ou à faire avancer ; avez-vous osé proférer les mots infâmants de «République» et de «Socialisme» sans être immédiatement assimilé à un «flic», à un «totalitaire» ? De nombreux militants d’extrême-gauche sont aux extrêmes justement parce qu’ils sont dans la détestation de la République. La leur s’arrête à Mai-68, et ne remonte jamais à 1936 ou 1870. Daniel Cohn-Bendit, qui officie maintenant avec zèle à côté de (qui ?) et surtout à droite du PS et du Modem, n’est jamais très loin qui leur a fourni un bel exemple historique à ne pas suivre...

C’est assez pénible de se rendre à une manifestation de soutien à la mémoire d’un militant massacré par des individus violents qui n’ont pas la culture de la discussion et encore moins parlementaire, et de se retrouver entouré d’autres individus, qui certes n’ont rien de petits saints laïcs, et même sont pris de légitime douleur et d’angoisse, mais qui n’acceptent pas mieux la diversité des opinions et intentent des procès en «récupération», comme d’autres auraient dit en sorcellerie à quiconque ose écrire -comme je l’ai fait- que Clément Méric est mort en fils de la République. Car enfin, tout anarchiste que Clément était supposé être, étudiant à Sc Po Paris donc d’une certaine origine sociale et intellectuelle, pas un fils de pauvre -et en effet, ses parents étaient professeurs de Droit installés en retraite dans le Gers*...- la République doit le reconnaître, même si lui-même ne la reconnaissait pas ; et je suggère que soit organisée une cérémonie nationale.  

Il faut donc avoir des idées aussi courtes que certains autres l’ont court sur le crâne pour amalgamer ou réduire la République Française à ses Compagnies Républicaines de Sécurité, à sa Justice encellulante et à ses commissariats véreux. Certes, il y a des marques d'oppression dans toute société humaine et un (gros) vice de forme dans les institutions de laV° République, hélas... mais faut-il avoir les idées bien arrêtées pour ne pas voir les bienfaits politiques, sociaux et économiques d’une République Française que la Droite n’a jamais laissé poursuivre dans la voie de la Commune, et a depuis 50 ans limité les progrès du Front Populaire, cassé méthodiquement les objectifs du Conseil National de la Résistance. 

Mais nooon ! Liberté chérie ! Et liberté économique en premier lieu ! Ne soyons surtout pas trop autoritaires avec les dérégulateurs supra-nationaux et anti-démocrates qui détricotent les Codes du Travail en Europe et qui en empêchent le développement dans le Monde...

Soyons souples face à la désaffection du Français et de l’Histoire à l’école, ce sera au profit des tablettes de Steve Jobs, délaissons toute forme de régulation étatique au profit des Directives européennes multi-nationalisées et enfin, laissons donc l’héritage de la Nation à l’usage exclusif de Marion-Anne-Perrine Le Pen, dite Marine ! Tiens, en voilà une idée : elle se fera un plaisir de remercier les économistes libertariens de son parti et de récupérer des insignes et des symboles que l’extrême-droite a historiquement combattus… 
Ah, c’est déjà fait ?

Je suis reparti avec mon bouquet. La prochaine fois, je viendrai avec mon drapeau français.

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Réf. Un ami, Alexis V. me confiait être passé en 2011 de la mouvance libertaire au Parti de Gauche, éclairé par  le débat entre O. Besancenot et J-L Mélenchon au Mensuel Regards : 

http://www.regards.fr/acces-payant/archives-web/melenchon-besancenot-la-video-de,4768

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et


1 commentaire:

  1. Il y a matière à débat ami. Dans le fond, je partage avec toi que la République prend en son sein l'ensemble de ses enfants, même quand ils la rejettent.
    Merci pour le fil à plomb.

    Nathanaël

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