Nous
sommes en 2015, et le constat du travail chez les artistes est
alarmant. Les subventions aux compagnies de musique, de théâtre et de
danse n’ont jamais été aussi basses depuis 1980. On voit le changement
par la gauche annoncé, les modalités d’accès au bénéfice de
l’assurance-chômage étrangle les artistes et techniciens de
l’audio-visuel et du spectacle ; les durées de tournage, de doublage et
de répétitions se raccourcissent. Même les solistes lyriques
ont de plus en plus de mal à faire leurs 507 heures de travail rémunéré
en 10 mois. L’agriculture industrielle est massivement subventionnée,
et la culture va mal. Mais pas pour tout le monde...
Les artistes de la Comédie-Française sont Sociétaires d’un Établissement public national subventionné, placé sous la tutelle du Ministère de la Culture.
Cet employeur a obtenu cette année une subvention de 24 M€ (seulement!) et ses 35 sociétaires touchent un salaire de 3000 à 4000€/mois, avec un cachet supplémentaire par représentation d’environ 130 € et 290 € en tournée plus, s’il-vous-plaît, une rémunération complémentaire variable, un «partage» des recettes selon les statuts de la Société des Comédiens-Français, créée en 1681… qui prévoit aussi une caisse de retraite. Au cours de leur passage à la Comédie-Française, les acteurs et actrices ne gagnent pas seulement une sécurité d’emploi qui les placent hors-concours, ils gagnent aussi une notoriété.
Là aussi, comme sous les ors d’autres ministères, les privilèges de la noblesse d’Etat sont manifestes. Un statut dans la culture à nul autre pareil. Non content de jouir d’un emploi stable et d’un statut ad hoc, ils peuvent de plus obtenir un «congé» pour tourner des films ou prêter leur voix en studio, ou même ravaler votre façade (si vous avez assez de fric, ils vous le feront) bref, pour exercer une quelconque activité extérieure.
Les artistes de la Comédie-Française sont Sociétaires d’un Établissement public national subventionné, placé sous la tutelle du Ministère de la Culture.
Cet employeur a obtenu cette année une subvention de 24 M€ (seulement!) et ses 35 sociétaires touchent un salaire de 3000 à 4000€/mois, avec un cachet supplémentaire par représentation d’environ 130 € et 290 € en tournée plus, s’il-vous-plaît, une rémunération complémentaire variable, un «partage» des recettes selon les statuts de la Société des Comédiens-Français, créée en 1681… qui prévoit aussi une caisse de retraite. Au cours de leur passage à la Comédie-Française, les acteurs et actrices ne gagnent pas seulement une sécurité d’emploi qui les placent hors-concours, ils gagnent aussi une notoriété.
Là aussi, comme sous les ors d’autres ministères, les privilèges de la noblesse d’Etat sont manifestes. Un statut dans la culture à nul autre pareil. Non content de jouir d’un emploi stable et d’un statut ad hoc, ils peuvent de plus obtenir un «congé» pour tourner des films ou prêter leur voix en studio, ou même ravaler votre façade (si vous avez assez de fric, ils vous le feront) bref, pour exercer une quelconque activité extérieure.
Or,
sont-ils inspectés tous les 10 mois-et-demi comme les autres
intermittents pour être reconduits dans leur fonction ? Sont-ils même
inspectés par la Direction de leur établissement-mère, la Comédie
Française ? Vous n'y pensez pas... Ils ont la satisfaction de jouer au
chaud quand d’autres, les 40 000 autres comédiens que compte la France
espèrent seulement travailler, et se lèvent le matin pour trouver des
portes d’administration fermées, par ailleurs...
Bref, les artistes du «Français» sont une petite aristocratie dorlotée dans un pays aux agents culturels en majorité précarisés,
et forcément envieux. Car ces chouchous de la culture se retrouvent
aussi sur les plateaux de tournage et sur les documents sonores : audio-livres et voix-off de pub, de documentaires, le tout de production privée bien sûr, suivez la flèche.
Mais le théâtre est une grande famille, n’est-ce pas ?
Effacé !
Mais le théâtre est une grande famille, n’est-ce pas ?
Effacé !
C’est
même à croire qu’ils ne sont pas encore assez dorlotés puisque c’est un
«congé», pris pour quelques heures de Comédie-Française buissonnière,
qu’aurait dû obtenir le jeune Sociétaire Laurent Stocker pour venir prêter sa voix au documentaire «Piaf Intime» diffusé par TF1 à l’anniversaire des 50 ans de la mort d’Edith Piaf : facturé 4500 € par le Sociétaire (un viatique) pour cette narration de 50 minutes.
Pour ce programme, TF1 a fait un choix luxueux : un Sociétaire de la Comédie-Française pour effacer la même narration réalisée en studio la semaine précédente par Didier Ducon. Un sans-grade, un «intermittent» comme ils disent. Pas un débutant, un professionnel de la voix-off, avec de nombreuses narrations pour la télévision à son actif, payées entre… 200 et 400 € en moyenne. Pas assez renommé, donc.
Pour Didier Ducon, Piaf Intime, c'était 300 € et sans discussion, pour ce qu'il a enregistré avant le comédien de luxe qui a repassé sur sa voix. (Une honte pour un documentaire de cette qualité sur TF1...)
Pas assez pour TF1 qui n'aime ni les minables, ni les ducons.
4500 € c'est le prix que TF1 veut payer pour ne pas écorcher la bouche de Mme Chazal avec le nom de Didier Ducon. On ne regarde pas à la dépense... Mais que Ducon devienne une star demain (ça n'arrivera pas, soyez tranquilles !) et vous verrez que TF1 se chargerait de retrouver les archives pour replacer la voix de Ducon sur celle Stocker qui, entre-temps, se serait fait virer du Théâtre-Français et tombé dans l'oubli !
Pour ce programme, TF1 a fait un choix luxueux : un Sociétaire de la Comédie-Française pour effacer la même narration réalisée en studio la semaine précédente par Didier Ducon. Un sans-grade, un «intermittent» comme ils disent. Pas un débutant, un professionnel de la voix-off, avec de nombreuses narrations pour la télévision à son actif, payées entre… 200 et 400 € en moyenne. Pas assez renommé, donc.
Pour Didier Ducon, Piaf Intime, c'était 300 € et sans discussion, pour ce qu'il a enregistré avant le comédien de luxe qui a repassé sur sa voix. (Une honte pour un documentaire de cette qualité sur TF1...)
Pas assez pour TF1 qui n'aime ni les minables, ni les ducons.
4500 € c'est le prix que TF1 veut payer pour ne pas écorcher la bouche de Mme Chazal avec le nom de Didier Ducon. On ne regarde pas à la dépense... Mais que Ducon devienne une star demain (ça n'arrivera pas, soyez tranquilles !) et vous verrez que TF1 se chargerait de retrouver les archives pour replacer la voix de Ducon sur celle Stocker qui, entre-temps, se serait fait virer du Théâtre-Français et tombé dans l'oubli !
On disait autorisation de sortie etc. sauf que... Mme La Directrice de la Comédie-Française nous a répondu : cet acteur n'a pas obtenu de congé pour venir enregistrer en studio. On empoche grassement le matin, en enfreignant le règlement de la grande Maison qui nourrit le soir. Bravo !
cliquer pour agrandir la lettre |
"Adressez-vous à l'acteur concerné car la solidarité est individuelle"... Je tourne et retourne la profondeur de cette pensée, émise depuis le bureau doré de Mme la Directrice de la Comédie-Française.
300 € pour ce documentaire, c’est peut-être ce qui a gêné ces messieurs délicats des grandes chaînes de télévision.
300 €, c'est la marque des «minables» (ainsi J-F Copé qualifiait-il les moins de 5000€/mois de son staff de campagne).
Comme l'a dit un responsable des programmes documentaires à TF1, Mme Claire Chazal en personne n'allait pas pouvoir annoncer «ça» à l’écran.
«ça», comme on le disait pour le nom des comédiens juifs qui tournaient sous Vichy et qu’on biffait au générique pour ne pas avoir d’ennuis...
Heureusement pour TF1 que Ducon n'est pas juif, il se seraient retrouvés avec la LICRA au cul, à Boulogne-Billancourt. Mais il n'y pas de Licra pour les ducons.
Or, Ducon, l'intermittent des studios que vous entendez souvent sans le savoir, avait été choisi par le studio de doublage pour ses qualités parmi d’autres comédiens spécialisés dans la narration de documentaires.
300 € pour ce documentaire, c’est peut-être ce qui a gêné ces messieurs délicats des grandes chaînes de télévision.
300 €, c'est la marque des «minables» (ainsi J-F Copé qualifiait-il les moins de 5000€/mois de son staff de campagne).
Comme l'a dit un responsable des programmes documentaires à TF1, Mme Claire Chazal en personne n'allait pas pouvoir annoncer «ça» à l’écran.
«ça», comme on le disait pour le nom des comédiens juifs qui tournaient sous Vichy et qu’on biffait au générique pour ne pas avoir d’ennuis...
Heureusement pour TF1 que Ducon n'est pas juif, il se seraient retrouvés avec la LICRA au cul, à Boulogne-Billancourt. Mais il n'y pas de Licra pour les ducons.
Or, Ducon, l'intermittent des studios que vous entendez souvent sans le savoir, avait été choisi par le studio de doublage pour ses qualités parmi d’autres comédiens spécialisés dans la narration de documentaires.
L’esprit du marché, l'irrespect
ordinaire du star-system qui s’auto-gratifie et s’auto-rémunère, c’est d’ériger un peu facilement les «stars» en
génies présupposés avoir tous les talents.
Que
ce Stocker en ait à la scène et à l’écran est une
chose incontestable. Mais le public s’imagine-t-il qu’il y a un métier
spécifique de voix-off, où les comédiens à Paris sont environ 1000 à faire du doublage régulièrement ? Il y a une foule de programmes étrangers à doubler en français, alors ces Ducons, on les retrouve au son, dans le doublage des bien-nés qui eux sont à l'image :
Depuis la disparition de la S.F.P il n’y a plus de place pour les acteurs à l’écran, sauf pour les bien-nés...
La privatisation, le fleurissement des agences artistiques et des productions privées, c’est bien entendu le règne des passe-droits et des «fils de» (fils de quoi, d'ailleurs ?). Voyez les affiches des spectacles et les génériques depuis quelques années, scrutez les patronymes : il y a comme une tendance à la constance dans la redondance... Et il y a là des raisons plus économiques qu’aristocratiques. Les noyaux durs se referment et se renforcent.
La privatisation, le fleurissement des agences artistiques et des productions privées, c’est bien entendu le règne des passe-droits et des «fils de» (fils de quoi, d'ailleurs ?). Voyez les affiches des spectacles et les génériques depuis quelques années, scrutez les patronymes : il y a comme une tendance à la constance dans la redondance... Et il y a là des raisons plus économiques qu’aristocratiques. Les noyaux durs se referment et se renforcent.
Or, le fait est que le documentaire de Valérie Exposito, «Piaf Intime» est exceptionnel, mais moi qui ait entendu les deux, je peux vous dire que «l’interprétation» de l'Artiste Dramatique Laurent Stocker n’offre aucune espèce de plus-value à l’autre narration rejetée par la production.
Ce qu’ignore les cadres bling-bling de TF1 et consorts, c’est que souvent le comédien de théâtre est soucieux de ne pas être emphatique, et pour éviter cet écueil se cantonne à une simple lecture du texte, au point d’être quelquefois d’une ennui mortel !
Guillaume Canet dans un documentaire sur les suricates vaut son pesant de Valium. Bien sûr, il y a des exceptions et des êtres doués partout. Pierre Arditi, qui a du savoir-faire, l’use jusqu’à la corde. Michel Piccoli ou Jean Rochefort (Le Silence de l’Opéra) sont hors concours dans ce domaine, ou encore l’acteur et producteur Jacques Perrin (Océans…) et même le philosophe Michel Serres (La Légende des sciences) conteur de génie. Avez-vous entendu Florence Foresti dans "Le Petit Prince" ? C’est pas très bon. Normal, ça n’est pas son métier, ni celui de Cauet dans "Garfield" qui a dû être re-doublé en catimini sur certaines séquences qu’il avait massacrées pour 65 000 € seulement.
Bonobos, lui, était remarquablement narré par Emmanuel Curtil. Qui diable ? Emmanuel Curtil ? Eh oui, cet inconnu du grand public est une véritable star du doublage… à chacun son métier !
N’y
avait-il vraiment aux yeux des programmateurs de TF1 pas un seul
artiste-interprète, parmi les gagnes-petit, les voix additionnelles
(vous savez, les radio-police), qui soit capable de faire aussi bien
qu’un Laurent Stocker et qui le prouve tous les jours ?
Ne
serait-ce que, hélas, le montant des cachets concédés aux uns
justifient les émoluments faramineux qu’on observe dans le monde de la
télé ? Arrêtons de nous focaliser sur les 60 000 € mensuels de
Claire Chazal : combien de dizaines de milliers d’euros/mois gagnent les
directeurs des programmes ? Il n' y a qu'à voir un plateau des Guignols, le monde qui s'y bouscule, pour comprendre que ce secteur audiovisuel est miné par le fric. Ducons !
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