mardi 14 juin 2011

Avis de printemps sur l'Italie

Décidément, tout a une fin, même pour ceux qui s'emparent du pouvoir à leur propre fin. Voici donc les prémisses peut-être d'un printemps italien.



Silvio Berlusconi, empêtré comme nous le sommes sur le théâtre d'opérations lybiennes, à la tête d'un pays dont la croissance sur dix ans est de 0%, faible d'un bilan économique où, à cause de ses réformes de droite ultra-libérale, son pays est grêvé d'une dette de l'Etat de 120% de son revenu national, se voit aujourd'hui infliger une dégelée comma jamais chef d' Etat européen s'en est vu infliger.

Après avoir essuyé une énorme râclée dans les plus grandes villes d'Italie aux dernières municipales, et notamment dans la sienne, Milan, qu'il dirigeait depuis 18 ans, Silvio Berlusconi n'a pas été plus chanceux lors du scrutin réferendaire qui portait sur quatre questions : Le tarif de l'eau, le nucléaire, l'impeachment, et les services publics.
De 94% à 96 % : Les Italiens ayant participé au referendum populaire on voté comme un seul homme (ou comme une seule femme) contre les propositions de privatisations de l'eau ou encore l'implantation de centrales nucléaires en Italie.

Le débat citoyen aura été un blitz-debat. Il y a 2 semaines, de nombreux Italiens ne savaient pas qu'une consultation était organisée lorsqu'ils ont reçu leurs quatre jolis petits cartons par la Poste. 4 textes de lois, à la lecture incompréhensible, en caractères minuscules, inaccessible aux personnes âgées ou handicapées, et deux cases : SI et NO.

N'y comprenant d'abord rien, à part de fins juristes, tout le monde a été tenté de voter NON.

Or, il fallait voter Oui pour s'opposer. Le petit Silviuccio avait bien fait les choses. 

(c'est comme si en France on nous demandait "êtes-vous Oui ou Non contre les mesures qui tendent à annuler les projets de loi à venir sur la prolongation de la vie des centrales nucléaires ?" gloups ! Mais on ne nous le demandera pas, car ce projet de Referendum populaire promis en France par M. Sarkozy en 2007 n'est toujours pas promulgué, n.b

Dans ce contexte de désinformation totale, qui réitère celle du TCE de 2005 ignoré des citoyens italiens, des forums populaires ont pris place en plein air, au théâtre. Des représentations ont été interrompues par des manifestations en faveur du SI (comprenez contre le projet de privatisation de l'eau, comme on le voit sur cette petite vidéo par exemple) et internet a joué son rôle d'accélérateur, comme sur le blog du Coluche italien, Beppe Grillo. Son nouveau mouvement politique "Le Mouvement des 5 étoiles" s'appuie sur un programme politique autour des cinq axes que représente son symbole : l'environnement, l'eau, le développement, la connectivité et les transports. Pour ce blog, parmi les 20 plus lus de la planète, le SI s'imposait quatre fois.

Les Italiens ont d'une part écouté de quelle façon allait voter Berlusconi pour faire l'exact inverse, c'est vrai, mais ils auront suivi Beppe Grillo et le Juge Di Pietro. Ils ont voté SI entre 94 et 96% selon les questions : ce n'est plus un referendum, c'est un plébiscite contre des projets d'inspiration néo-libérales de droite. 

Rappelons que suite à un mouvement écologiste quia traversé les années 1970, l'Italie n'a pas de Centrales nucléaires. Elle achète son électricité à la France. C'est donc d'indépendance énergétique qu'il serait question. En Italie, des centrales thermiques au gazole fonctionnent à chaque fois qu'on allume une télévision, ou une ampoule électrique, ce sont donc des tonnes de CO2 que l'italien produit en s'éclairant, en faisant tourner hôpitaux et lumières de la ville.


Il est vrai que de l'autre côté des montagnes l'Italien paie son électricité au prix fort ; et il n'est pas rare de voir un de nos cousins devancer subitement Ushain Bolt sur 100 mètres. C'est en général pour éteindre une lumière. (ou pour fuir le fisc, hi-han)


La situation sismique de l'Italie presque aussi forte que celle du Japon aura valu cette prudence italienne. Leurs tremblements de terre sont déjà assez catastrophiques comme ça (Gibellina en Sicile en 1968, Irpinia en 1980, Assise en 1997, L'Acquila en 2008), ils n'ont peut-être pas envie d'avoir un second fléau à supporter.

Il est d 'autant plus remarquable que malgré ce prix élevé, le cousin italien ne veuille pas en payer un plus fort à l'avenir : une catastrophe type Three Miles Island, Tchernobyl ou Fukushima, sur une langue de terre de 150 km de long d'où il ne pourrait échapper à la radio-activité. L'Italien est un peu fou, certes, mais pas taré.

Les tenants pro-nucléaire, (du NO, vous suivez ?) développaient pourtant l'argument que l'Italie aurait besoin à terme de beaucoup plus d'énergie, que 10 centrales suffiraient à en couvrir ses besoins et que, joignant l'utile au normatif, cela lui permettrait de respecter le protocole de Kyoto, ce qu'elle ne fait pas pour l'instant (et pour cause !)

Les medias français insistent beaucoup sur le fait qu'il s'agit d'un désaveu pour la personne de Berlusconi. Attention, mes confrères asinesques, ne nous laissons pas attirer par cette pitance, cette carotte est là pour nous endormir. 

Certes son actualité n'est pas plus reluisante que sa sexualité. Le pauvre est accablé par des Juges de gauche, dit-il, et une audience avait encore lieu lundi 13 juin dernier alors qu'il recevait M. Benjamin Nethanyaou.  Mais je crois plutôt, grâce au peu de matière grise qu'il y a entre mes deux longues très longues oreilles, que le citoyen Italien a compris qu'on voulait lui faire payer son eau plus cher, qu'on voulait investir dans des centrales toujours dangereuses à un très haut niveau d'endettement, et que celles-ci allaient à terme passer -comme les services publics et l'eau- dans le domaine de la gestion privée, tout comme dans un certain autre pays sismique, nommé Japon. Berlusconi doit plus à la gestion par la Tepco de la catastrophe de Fukushima son ultime revers, plutôt qu'aux procès en cours pour prostitution de mineures et autres scandales financiers.


Et c'est un âne qui vous parle.


P.S : Pour les italophones, écoutez l'intervention hilarante de Roberto Benigni qui, en période de silence obligé, se faisait comprendre, devant Umberto Eco, par métaphores interposées, de la nécessité de voter SI ...

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